N°1 / La muerte de Artemio Cruz de Carlos Fuentes et la littérature mexicaine des XX et XXIe siècles

De la vitalité des écritures de femmes au Mexique

Marie-José Hanai

Résumé

Le but de ce travail est de s’intéresser à l’état de la littérature écrite par les femmes au Mexique à la charnière des XXe et XXIe siècle. Quelle évolution peut-on apprécier quant à l’affirmation et à la reconnaissance de la présence féminine mexicaine dans la République des Lettres ? Quelle position et quel regard sur leur propre rôle adoptent les auteures au féminin dans une sphère longtemps dominée par le genre masculin ? Nous entendons situer notre brève étude à la fois dans l’histoire de la littérature mexicaine, dans la problématique de l’écriture féminine et, à partir de quelques exemples ciblés, dans la réflexion menée par les femmes sur le sens artistique et sociopolitique de leur activité d’écriture. Les écrivaines mexicaines contemporaines s’inscrivent d’un côté dans la revendication de leur statut d’auteure et dans la recréation de personnages fictionnels féminins/masculins à partir des mythes, de l’Histoire collective et de l’histoire individuelle, et de l’autre dans un travail personnel sur l’écriture qui échappe à toute contrainte de genre.

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Abstract :

The purpose of this work is to be interested in the state of the literature written by the women in Mexico in the hinge of the XXth and XXIth century. What evolution can we estimate as for the assertion and for the recognition of the Mexican feminine presence in the Republic of Letters? What position and which look on their own role adopt the feminine authors in a sphere for a long time dominated by the male gender? We intend to place our brief study at the same time in the history of the Mexican literature, in the problem of the feminine writing and, from some targeted examples, in the reflection led by the women on the artistic and sociopolitical sense of their activity of writing. The contemporary Mexican writers join on one side the claiming of their author's status and the re-creation of feminine/masculine fictional characters from the myths, from the collective History and from the individual history, and from the other one a personal work on the writing which escapes any constraint of gender.

Keywords: Mexican literature and society, gender, feminine writing, woman author.

Quel est l’état de la littérature écrite par les femmes au Mexique à la charnière des XXe et XXIe siècles ? Quelle évolution peut-on apprécier quant à l’affirmation et à la reconnaissance de la présence féminine mexicaine dans la République des Lettres ? Quelle position et quel regard sur leur propre rôle adoptent les auteures au féminin dans une sphère longtemps dominée par le genre masculin ? Nous entendons situer notre brève étude à la fois dans l’histoire de la littérature mexicaine, dans la problématique de l’écriture féminine et, à partir de quelques exemples ciblés, dans la réflexion menée par les femmes sur le sens artistique et sociopolitique de leur activité d’écriture.

Nous introduirons notre propos par quelques repères historiques concernant la littérature écrite par les femmes au Mexique. Le nom de Sor Juana Inés de la Cruz (1648-1695) surgit aussitôt en tant que référence fondamentale, celle de la première femme de lettres de la Nouvelle Espagne. À l’époque coloniale où les femmes sont enfermées par le système patriarcal, le couvent apparaît paradoxalement comme un lieu possible d’expression. Alors qu’au XVIIe siècle, la France et l’Angleterre voient fleurir les salons mondains où certaines femmes peuvent accéder à un statut d’écrivaines, le Nouveau Monde enferme les sujets/objets féminins dans un espace de silence, ainsi que le rappelle Luisa Ballesteros Rosas :

[…] tandis que les femmes nobles européennes commençaient à participer aux activités culturelles et pouvaient briller dans les salons par leur esprit et leur élégance, en Amérique latine, les femmes de la noblesse hispanique restaient prises dans une routine plutôt ennuyeuse entre le Palais et l’Eglise1.

Le couvent est alors un lieu, comme en Europe au Moyen Âge, où des femmes de caractère, dont Sor Juana, gagnent une certaine indépendance et liberté de parole : comme le rappelle Luisa Ballesteros Rosas, Juana choisit le couvent pour fuir le mariage ; c’est la voie qui semble la plus appropriée à la poursuite de ses études à cette belle jeune femme bien placée à la cour du vice-roi, ayant reçu une éducation, et elle y trouve l’espace nécessaire à l’écriture. Sa poésie n’est pas mystique comme a pu l’être la prose de Sainte Thérèse, mais plutôt extatique et sensuelle. Le contenu érotique de certains de ses poèmes est toléré car elle sait l’intégrer dans un ensemble qui comporte des chants religieux, des poèmes de cour et de louange, des comédies. Sor Juana fait entendre sa revendication du droit au savoir, réfléchit sur les Ecritures et le concept de l’amour divin. Cette position de femme de lettres lui attire les réprimandes des religieux et elle est menacée par l’Inquisition. Sor Juana reste pour les intellectuelles mexicaines de notre époque contemporaine un modèle de revendication, d’affirmation d’une voix et d’une sensibilité.

L’Indépendance et l’avènement des jeunes républiques en Amérique latine de façon générale signent l’admission des femmes dans le monde de l’éducation, influencée par les idées des Lumières. La femme est considérée comme un élément de la nation et elle a droit à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Au Mexique, selon la critique anglaise Jean Franco2, la femme est placée par l’idéologie des nouveaux citoyens masculins dans l’espace sacré de la famille ; elle est chargée de défendre et d’enseigner à ses enfants, futurs citoyens, les valeurs morales de la société (ce que le roman El periquillo sarniento, de Fernández de Lizardi, met en évidence). La femme est une fille obéissante, une épouse irréprochable et une mère dévouée. En cela, elle ne peut être la prostituée, contre-élément pourtant indispensable dans la configuration sociale au maintien de l’idéal de pureté et d’honnêteté que doit respecter la femme honnête. L’espace public de l’écriture lui est ainsi pratiquement interdit. La rareté des plumes féminines au XIXe siècle explique que ce sont les hommes qui, sous un pseudonyme féminin, publient des articles dans les revues prônant les bonnes mœurs et les vertus de l’éducation féminine. Il n’y a guère, au Mexique, d’écrivaines qui se détachent à cette période, il faut plutôt les chercher au Pérou, en Colombie, à Cuba, en Argentine.

C’est la deuxième moitié du XXe siècle qui voit l’essor de la présence féminine mexicaine dans le monde intellectuel et littéraire en particulier. L’apport de Rosario Castellanos (1925-1974) est décisif dans le parcours qui nous intéresse. L’auteure conjugue en effet la situation féminine à celle de l’Indien, le peuple indigène et les femmes étant soumis à la même autorité du maître blanc masculin. Dans le roman emblématique Balún Canán (1957), la voix d’une petite fille, médiatisée par une narratrice adulte qui se dissimule derrière ce premier degré de narration à la première personne, ose dire la frustration de la femme dans une société fortement hiérarchisée et dominée par le mâle blanc, propriétaire terrien et étalon reproducteur. La jeune narratrice découvre l’univers, les êtres qui l’habitent, l’inégalité entre elle et son petit frère, la soumission des femmes aux hommes et celle des Indiens aux blancs. Dans ses essais, Rosario Castellanos revendique l’émergence de la voix de la femme mexicaine, loin des stéréotypes de l’éternel féminin et indépendamment des modèles européens ou nord-américains. Dans sa poésie, elle fait entendre une intimité tourmentée et la recherche d’une voix pour les femmes soumises à une considération ankylosée, figée, de leur rôle d’épouse et de mère.

Les années 80 sont l’étape où les idées de la postmodernité font leur chemin dans les sociétés latino-américaines, avec une adaptation nécessaire à une situation socioéconomique différente de celle des pays européens ou des Etats-Unis où elles ont pris racine. La position des femmes sur la scène éditoriale rejoint celle de groupes marginalisés par la culture dominante et le pouvoir quant à leur appartenance ethnique et leurs pratiques sexuelles3. C’est alors l’explosion de leur voix, l’importance d’une production qui touche à tous les genres et à tous les domaines. La tendance est maintenant à la professionnalisation de la femme en tant qu’auteure. Le discours de ces femmes auteures est fortement critique et subversif, mais il est aussi inventif dans la mesure où il travaille la dimension de la métafiction et crée un imaginaire propre à chaque écrivaine. D’après Aralia López González4,

[…] pensar la escritura de la mujer es también pensar sobre las formas de conciencia e identidad modeladas por la opresión-explotación del sistema patriarcal sexista de la sociedad occidental. En la escritura, las mujeres proyectan sus conflictos entre el deseo y las ortodoxias del poder y del saber, empezando a consolidarse textualmente un deseo menos obstruido por la cultura masculina dominante […] y por lo mismo, más sexualizado y politizado. Asimismo, al objetivarse en la escritura, el texto se transforma en un espacio de autorrealización imaginaria en el cual es posible descubrir un discurso subversivo y desconstructivo5.

Nous ne citerons ici que quelques noms parmi les plus connus sur la scène internationale : Elena Poniatowska, Ángeles Mastretta, Laura Esquivel, Carmen Boullosa… Certaines manient l’Histoire, d’autres la philosophie, d’autres la sociologie. Chez toutes ces auteures, les personnages féminins sont à l’honneur. Souvent narrateurs ou médiateurs de l’Histoire, ils en dévoilent les aspects cachés ou mal connus quant à la participation féminine à la configuration de la nation et des mentalités. Cette littérature enquête sur les non-dits, les personnages problématiques parce que contradictoires ou même oubliés.

Comment la critique envisage-t-elle la littérature produite par les femmes au Mexique ? Evoquons tout d’abord l’impulsion donnée en particulier par la professeure Elena Urrutia du Colegio de México dès 1984 à l’étude de la création romanesque et poétique des écrivaines mexicaines. Elena Urrutia a lancé le Programme Interdisciplinaire des Études de la Femme (Programa Interdisciplinario de Estudios de la Mujer, PIEM) et a permis la réalisation de nombreuses initiatives de recherches. L’Atelier de théorie et critique littéraire Diana Morán, créé en 1986, a déjà produit plusieurs ouvrages sur des auteures telles que Josefina Vicens, Nellie Campobello, Elena Garro, Rosario Castellanos, María Luisa Puga, ainsi que sur des problématiques récentes liées à l’écriture de l’Histoire et au genre. Soulignons également l’entreprise comparatiste qui consiste à étudier un auteur et une auteure en regard autour de la même thématique6, et donc à se poser la question d’une particularité féminine dans l’écriture. Ce sont donc principalement des femmes qui sont attentives au monde littéraire créé par des femmes mexicaines, cherchant les voix oubliées ou mal connues du XIXe siècle et soumettant à un appareil critique rigoureux celles du XXe et XXIe siècle. Elena Urrutia nous confiait en 2008 que le programme du PIEM était menacé d’interruption – question de crédits ! – et que les études qu’il avait promues se diluaient à présent dans un panorama beaucoup plus flou, non exclusivement consacré à la femme. Les femmes de l’Atelier Diana Morán restent remarquablement actives, soumettant leurs communications et articles à la critique commune avant de participer à de très nombreux colloques.

C’est donc l’histoire d’une lutte qui nous intéresse, une lutte contre le pouvoir établi et les idées reçues, contre le discours phallocrate, contre le système dominant masculin et patriarcal qui continue en ce début de XXIe siècle à gouverner les mentalités et les coutumes dans un pays comme le Mexique et qui, dans son exploitation la plus extrême, se traduit par la vague effrayante et insupportable d’assassinats perpétrés dans le nord contre les femmes, le plus souvent celles qui franchissent la frontière pour travailler dans les maquiladoras ou transportent la drogue vers les marchés mafieux du puissant pays voisin7. Le statut d’objet – social, économique et sexuel – de la femme mexicaine, marque d’identité générique depuis le temps colonial, trouve en cette période contemporaine de l’entre-deux siècles une manifestation exacerbée par le crime.

C’est l’histoire d’une lutte contre les représentations génériques du masculin et du féminin dans la société, représentations véhiculées par les images imposées au sein du discours des hommes. Il s’agit de refuser la répartition dichotomique des hommes et des femmes entre l’espace public, réservé aux premiers, et l’espace privé, attribué aux secondes. Dans le sillage de Rosario Castellanos, la décision marquée des auteures mexicaines nées dans les années quarante de ne plus se reconnaître dans le foyer et la maternité, ne peut que s’inscrire à la suite du mouvement initié au sein du monde anglo-américain et français. La célèbre philosophe Hélène Cixous décrivait au cœur du mouvement féministe français l’opposition des espaces sociaux :

Et tandis qu’il prend – (tant bien que mal) le risque et la responsabilité d’être une parcelle, un agent d’une scène publique, où se jouent les transformations, elle représente l’indifférence où la résistance à ce temps actif, elle est le principe de constance, toujours d’une certaine manière la même, quotidienne et éternelle8.

Conquérir l’espace public par l’écriture, par l’affirmation d’une présence et d’une voix qui se donnent à lire et appellent, par le pacte de lecture-création, au questionnement et à la recréation des images de la femme, est une façon de nier la dichotomie générique des espaces. Le but de ce travail est de signaler les enjeux de cette présence sur la scène éditoriale mexicaine, de la mettre en relation avec le statut sociopolitique de la femme mexicaine.

Il est vrai que les études actuelles pointent la référence datée, située dans la décennie 75-85, de la terminologie « écriture féminine » et signalent la nécessité de dépasser cette problématique. Néanmoins, cette écriture a été l’une des façons, avec le militantisme, dont les femmes ont affirmé une présence sur la scène publique alors que le système dominant entendait les réduire à l’espace privé du foyer domestique. Dans la continuité de cette vision, rappelons ici le titre d’un essai de Brianda Domecq : Mujer que publica… mujer pública9, où cette auteure et critique mexicaine joue sur les mots en manifestant le défi que constitue pour une femme de publier des œuvres : c’est à la fois accéder au domaine ouvert d’une connaissance de soi par l’autre et courir le risque d’être jugée comme une « femme de mauvaise vie », si nous recourons à un autre euphémisme – « femme publique » en étant déjà un – pour désigner la prostituée. Michelle Perrot souligne l’usage contrasté selon le genre du même adjectif : « La dissymétrie du vocabulaire illustre [les] défiances [des mentalités] : l’homme public, c’est l’honneur ; femme publique, c’est la honte, fille des rues, du trottoir, de bordel. »10

Il ne semble pas inutile de rappeler la position d’Hélène Cixous et de Béatrice Didier quant à l’existence d’une écriture féminine. Hélène Cixous, l’une des tenantes les plus célèbres d’une telle particularité, énonçait elle-même la difficulté de l’entreprise, au regard même d’une profonde revendication de liberté :

Impossible à présent de définir une pratique féminine de l’écriture, d’une impossibilité qui se maintiendra car on ne pourra jamais théoriser cette pratique, l’enfermer, la coder, ce qui ne signifie pas qu’elle n’existe pas11.

Pour Béatrice Didier, malgré la même interrogation sur les traits définitoires d’une telle écriture, la femme est mal considérée lorsqu’elle prétend au statut d’écrivaine :

[…] l’écriture féminine semble presque toujours le lieu d’un conflit entre un désir d’écrire, souvent si violent chez la femme, et une société qui manifeste à l’égard de ce désir, soit une hostilité systématique, soit cette forme atténuée, mais peut-être plus perfide encore, qu’est l’ironie où la dépréciation12.

Deux décennies plus tard, Delphine Naudier entend apprécier le tournant qu’a représenté la présence rénovée des femmes dans le domaine à la fois intime et public de l’écriture littéraire :

En portant notre attention sur la revendication d’une « écriture femme » dès 1975, on verra comment quelques écrivaines ont pu jouer d’une certaine conjoncture sociale et historique pour retourner le stigmate de l’appartenance sexuée en emblème d’une innovation esthétique.

Ces auteures vont s’imposer dans les rangs de l’avant-garde littéraire en mettant au cœur de leurs livres la revalorisation du féminin. Cette construction sociale et symbolique de la légitimité des écrivaines a été édifiée à la fois en dénonçant la suprématie masculine dans le monde des Lettres, et en définissant une ligne esthétique qui, théorisée, manifeste la possibilité qu’ont les femmes désormais d’occuper visiblement le territoire littéraire13.

On sait les débats et les dissensions portés par les écrivaines elles-mêmes au sujet d’une spécificité féminine de l’écriture : Simone de Beauvoir, auteure d’une œuvre qui entend mettre en évidence le féminin au sein d’une société organisée autour de l’hégémonie masculine, a refusé le marquage sexué de l’écriture. C’est aussi le cas de Marguerite Yourcenar, de Nathalie Sarraute, tenantes d’un droit à l’écriture sans considération de sexe, revendiquant la parfaite égalité et indifférenciation vis-à-vis des hommes dans le monde littéraire. Il n’existe pas de domaine réservé, de style définitoire, de thème spécifique. D’un autre côté, un courant prônant la différence affirme l’existence d’une écriture qui émane de l’intériorité de la femme, de son corps, de sa sensibilité, de sa réception et conception du monde. La revendication audacieuse était d’exprimer le corps féminin, ses vécus propres, sa sexualité, ses fantasmes. Hélène Cixous, suivie par Béatrice Didier, a tenté d’énoncer un certain style propre à l’écriture d’une femme, fondé sur le rapport à la voix, à l’oralité, et donc sur un rythme « excédant, démesuré, contradictoire »14, « plus lent et plus heurté »15 ; un rythme faisant place aux élans physiques de la voix qui s’affirme, mais aussi à ses silences, à ses coupures.

Il serait sans doute difficile de tenir longtemps et uniformément cette tentative pour définir un style féminin. Il est préférable d’insister sur « l’écriture féminine » en tant qu’écriture émanant d’auteures femmes, avec toute la diversité stylistique que l’on peut y rencontrer, avec la multiplication des points de vue qui se manifeste à la fois au sein d’un corpus et d’une œuvre elle-même. La présence et l’affirmation des femmes en tant qu’auteures est un enjeu, auquel ces femmes donnent une dimension historique et sociale. La revendication d’une parole propre qui déconstruise le discours masculin sur les femmes elles-mêmes semble être une clé. Les mots de Madeleine Gagnon en sont un exemple vigoureux :

J’attaquerai la science mâle qui nous fit objet du discours phallocrate sans pourtant nous y constituer sa référence et son sujet, mais je parlerai surtout de cette référence pour qu’il n’y ait plus jamais un discours de l’autre et pour que la différence ne soit plus seule constitutrice du discours des hommes. Je revendique ma place de sujet dans l’histoire. Je revendique mon pouvoir de représentation et de nomination16.

La présence des femmes dans la République des Lettres n’est certes pas un fait nouveau, propre à l’émancipation féminine ou au postmodernisme. Dans son entreprise pour saisir les femmes à travers l’Histoire, Georges Duby semble s’être heurté au silence des femmes médiévales, non seulement soumises au système patriarcal et misogyne des chevaliers même si ses recherches lui font percevoir certaines stratégies de résistance et d’action, mais aussi dépendantes du discours uniquement masculin qui était porté sur elles : « Des femmes du XIIe siècle, je ne saisirai jamais rien de plus vrai qu’une image, celle qui flottait dans l’esprit des rares hommes dont nous avons conservé les écrits. »17 Or, certaines historiennes, surtout aux Etats-Unis, se sont démarquées de cette conception qui ne fait de la femme médiévale qu’une image projetée par le discours masculin et ont voulu mettre en avant sa voix, à travers les écrivaines du XIIe siècle18. On songe également à la mise en valeur des textes écrits sur et par des femmes à la fin du Moyen Âge et sous l’Ancien Régime dans un volume dirigé par Sylvie Steinberg et Jean-Claude Arnoult19. Les historiens et les littéraires sont donc conjointement à la recherche de ces traces, trop peu connues ou considérées comme trop minoritaires, de l’auctorialité des femmes, à une époque peu propice à l’expression publique féminine.

Ce qui est à mettre en valeur à la fin du XXe et au début du XXIe siècle, c’est la conscience d’opposer un contre-discours au discours en place, de jouer sur les figures de la subversion et, dans la fiction, de proposer l’étude de personnages féminins dans toute leur complexité, mais aussi de personnages masculins qui détonnent par rapport à la représentation que l’historiographie a retenue d’eux, ce qui souligne la diversité d’intérêt des auteures femmes et le dialogue entre masculin et féminin recherché dans leurs œuvres. Deux exemples frappants dans la production mexicaine en sont la réinvention fictionnelle de l’Empereur Agustín de Iturbide par Rosa Beltrán (1960)20 et celle de Pedro Moya de Contreras, premier Grand Inquisiteur de Mexico, par Erma Cárdenas21. Le roman de Rosa Beltrán a amplement été étudié par Ute Seydel, enseignante-chercheure à la UNAM et membre elle aussi de l’Atelier Diana Morán22 Le sous-titre de la première édition, « Novela que reinventa la vida y muerte del único emperador mexicano, don Agustín de Iturbide », outre qu’il ancre clairement le texte dans le genre de la métafiction historiographique, pointe l’objet masculin du discours romanesque en tant que personnage historique connu, mais promet au lecteur la découverte d’une figure insoupçonnée. En effet, les approches croisées des femmes entourant le personnage masculin figé par l’Histoire dans sa courte gloire et sa chute – sa femme, sa sœur, sa couturière – en discutent et renouvellent le portrait et privilégient le dialogue évoqué plus haut entre la supposée domination masculine de la scène historique nationale et la présence souterraine des figures féminines de la cour.

Quant à l’écriture du roman d’Erma Cárdenas, qui réinvente la deuxième moitié du XVIe siècle dans la capitale de la Nouvelle Espagne et l’installation du tribunal du Saint Office, ses enquêtes, ses procès, ses autodafés, sur fond de rivalités entre le Grand Inquisiteur et le Vice-roi – ce que les documents attestent –, mettant en exergue les fantasmes et les tourments de Moya – ce que l’auteure imagine –, elle a requis un temps considérable de recherche dans les archives. Erma Cárdenas a choisi de fouiller dans un passé que les historiens sollicitent beaucoup, mais que les romanciers mexicains ont moins tendance à investir. À notre connaissance, c’est le seul roman consacré au personnage de Moya de Contreras, étudié par de nombreux historiens de l’Inquisition et connu au travers de plusieurs biographies, sur lesquelles s’appuie fortement la part référentielle de la fiction. L’histoire individuelle de ce personnage donne la dimension de la part d’invention qu’Erma Cárdenas a déployée afin d’humaniser, de transformer en être de chair et de sang, ce personnage figé dans le discours historiographique. Le Moya d’Erma Cárdenas est un homme désireux de pouvoir qui confond l’autorité accordée par Dieu et celle octroyée par le roi, justifiant ainsi ses ambitions politiques. Mais il est aussi épris de beauté et se laisse entraîner par un autre désir, celui des corps, menant une double expérience amoureuse et sensuelle avec un jeune frère dominicain et la radieuse nièce du vice-roi. De fait, le choix d’un personnage masculin par Erma Cárdenas répond en écho à celui d’autres personnages, féminins et rebelles, (re)créés par les écrivaines mexicaines et qui s’insurgent contre les règles édictées par le patriarcat. Moya est pour les historiens le tenant des règles, dont il crée certaines ; il est pour Erma Cárdenas la victime ou le jouet d’une profonde contradiction interne entre le respect des règles divines et royales et le désir terrestre, politique ou charnel, entre l’amour divin et l’amour des êtres humains. La construction des pensées fictionnelles du personnage met l’accent sur ces sentiments qui expriment une révolte et déconstruisent une image historique. D’autre part, les personnages féminins de ce roman gravitent autour de Moya, mais exercent également une forte attraction sur lui, dans un double mouvement, narratif et psychologique. Ils illustrent eux aussi par diverses approches le statut d’une femme enfermée dans son foyer, soumise à l’autorité patriarcale, mais pleine de ruse, débordant de sensualité et revendiquant sa liberté. C’est l’amour et le désir qui rapprochent les hommes et les femmes de ce roman, effaçant la différence du genre.

Quelle est maintenant la position de certaines écrivaines mexicaines concernant la littérature écrite par les femmes ? Nous nous intéresserons à des noms moins connus en France que ceux évoqués plus haut. Il ressort des déclarations de Silvia Molina (1946)23 et de Brianda Domecq (1942)24 qu’il est vain et faux de vouloir dissocier une écriture féminine et une écriture masculine, avec des thématiques et des styles particuliers, mais qu’il s’agit de points de vue différents sur le monde et la société. Silvia Molina répond par exemple à Gabriella de Beer sur le thème de la différenciation de deux écritures : « No creo, creo que se escribe igual. Sí creo que puede haber un punto de vista femenino y un punto de vista masculino. »25 Quant à Brianda Domecq, elle fait cette réponse : « la mayoría [de las escritoras de mi generación] están narrando desde una perspectiva marginal, lo cual les da un punto de vista distinto del masculino, aunque ambos géneros estén tratando los mismos temas. »26 Les deux écrivaines semblent également se rejoindre pour dire que la recherche identitaire, et dans ce cas une recherche contextualisée par la condition féminine et une position de rupture, est le fil constructeur de leurs personnages. Avec Gabriella de Beer, Silvia Molina analyse la séduction exercée par ses personnages féminins auprès des lecteurs : « […] mis mujeres son un poco rebeldes, son mujeres que están tratando de romper con las tradiciones familiares, con las tradiciones de la sociedad, y que buscan una autenticidad en su identidad, en su formación. »27 Commentant les fictions narratives écrites par certaines auteures mexicaines, Brianda Domecq exprime cette quête d’identité qui s’appliquerait également à sa propre entreprise :

La palabra se convierte en instrumento para hurgar en la carne, en la realidad, en el subconsciente como forma de encontrar una identidad propia, un « yo » que rompa los clichés, que desmitifique las funciones, que calle las metáforas falsas y permita el surgimiento de la individualidad humana28.

Silvia Molina déclare être fortement intéressée par ce que les femmes écrivent29, mais elle ne se place pas dans une perspective féministe revendicatrice, car elle privilégie en fait son rapport personnel à l’écriture et à l’Histoire, la capacité d’invention et la possibilité de vivre dans la fiction ce que la vie réelle n’offre pas30. Sa démarche semble rechercher ce qui relève d’un contact direct avec une expérience personnelle et un travail d’écriture :

Lo que yo hago, no es buscar ni una feminidad ni un hembrismo. Mi preocupación es ser congruente conmigo misma, como mujer, como madre, como profesora y como escritora. Nunca he buscado retratar una sensibilidad que ni me convence. No me interesa decir que la mujer es lo máximo en el mundo. Mi actitud, sinceramente, es más humilde31.

Brianda Domecq démontre quant à elle par ses essais sur la littérature écrite par les femmes qu’elle s’inscrit dans une démarche d’analyse passionnée de ce qui existe, c’est-à-dire d’une production à reconnaître, d’un corpus conséquent32. Nier l’existence d’un grand nombre d’œuvres écrites par des femmes en tant que manifestation d’une voix et d’une recherche d’identité serait contreproductif. Selon notre auteure, reconnaître ce corpus va dans le sens nécessaire de la multiplicité des angles de vue afin de redonner au corps social son intégrité. Son personnage de Lilith, dans la « Trilogía » de son recueil de nouvelles Bestiario doméstico, illustre précisément par son exil du Paradis un espace humain amputé de la présence féminine. Lilith n’aspire qu’à exister dans une société soumise à l’autorité et à la représentation masculine afin d’y peser :

[hacía falta] incorporarse a los mitos y a la historia, inventarse en lenguaje cotidiano o literario, aparecer en la filosofía y en los cuentos infantiles, en la poesía y en las pesadillas, formar parte de las mentiras, de la sopa diaria, y de los trescientos sesenta y cinco panes nuestros para comprobar la propia existencia33.

Gloria Prado34 établit le parallèle entre ce personnage légendaire que s’approprie Brianda Domecq et la figure féminine de l’écrivain telle que notre auteure la promeut dans ses essais :

[…] la escritora […], como Lilith, se erige en modelo femenino afincado en lo supuestamente específico masculino, y por tanto, en lo que no debe ser y es, en lo prohibido que sobrevive, […] a partir de su sensibilidad y de la formulación de un discurso propio, de una manera de ver, concebir y aproximarse al mundo y a sí misma35.

Le propos insiste sur une démarche qui, chez Brianda Domecq, expose la représentation du monde à la prégnance du point de vue féminin, à travers un travail d’écriture qui est « búsqueda de expresión original desde una voz y una perspectiva femeninas –las de la autora real– que satura las composiciones, aun cuando el narrador o el autor ficcional pueden ser masculinos »36. Brianda Domecq entend, dans son travail critique, mettre en évidence des qualités qu’elle considère propres au genre féminin :

aquello que la ideología patriarcal, con sus valores masculinos absolutos de luz, razón, espíritu, lógica, autoridad, poder, posesión, etc., reprimió y trató de negar : lo oscuro, intuitivo, emocional, amoroso, la carne, el erotismo, el misterio, etc.37.

Notre écrivaine n’hésite donc pas à dessiner deux champs de catégories, qu’elle assimile au yin et au yang, afin d’approcher au plus près les angles de vue qui seront privilégiés dans la recherche d’une écriture produite par les femmes. Il ne s’agit pas, comme nous le voyons, de thèmes spécifiques, mais d’un regard sur le monde, d’une appréhension de soi et de l’autre.

Pour compléter ces positions et sans doute nuancer celle de Brianda Domecq, notre attention est aujourd’hui attirée par l’expérience de Cristina Rivera Garza (1964)38. Appartenant à la génération suivante, Cristina Rivera Garza déclare elle aussi dans une entrevue son profond intérêt pour les questions de genre et commente le statut de la femme depuis la perspective d’une position marginalisée39. Elle souligne l’indispensable attention que les études académiques et les fictions doivent porter aux femmes, afin de diversifier les images et les références qui se créent autour de la figure féminine. Il faut faire éclater le discours monolithique et envisager les actions et le rôle passés sous silence des femmes :

Me molesta mucho cuando la única experiencia femenina que se retrata es doméstica y es depresiva, que existe por supuesto y tiene su validez y su misma complejidad. Pero también creo que entre más sabemos sobre la vida de las mujeres en la historia de México, en la historia general del mundo, estamos descubriendo que las experiencias son mucho más vastas y mucho más sofisticadas de lo que creemos que han sido, de lo que se les da crédito40.

Mais en ce qui concerne une éventuelle écriture féminine, Cristina Rivera Garza reprend dans une tonalité fortement humoristique les débats universitaires et de la critique sur sa fameuse spécificité dans un chapitre de son roman La muerte me da. Elle y imagine un cours sur le genre et la création littéraire :

Algunas alumnas […] aseguraban que en el mundo existía una cosa que respondía al nombre de escritura femenina y, con donaire, con inigualable desdén, citaban trabajos de filósofas francesas cuyos apellidos pronunciaban sin asomo alguno de acento. Los alumnos usualmente argumentaban que eso no era más que o frustración personal de escritoras frígidas o espurias presiones de mercado y, de paso, defendían una literatura, como la llamaban ellos, sin adjetivos41.

La drôlerie qui accompagne cette caricature ne fait que trouver un écho dans l’éclat de rire avec lequel la narratrice, professeure de littérature et écrivaine elle-même, double de l’auteure, répond à la demande pressante d’un autre personnage : « ¿ Usted escribe como mujer ? »42, comme si le genre conditionnait irrémédiablement et indiscutablement une pratique d’écriture. La professeure et écrivaine démonte l’identité de cette femme envisagée comme catégorie universelle et introduit l’idée d’une femme multiple. Les considérations théoriques et/ou militantes sur la pertinence d’une écriture féminine sont parvenues à un moment, semble suggérer Cristina Rivera Garza, où la problématique doit être dépassée, où il faut prendre de la distance, quelquefois avec humour, pour aller vers une écriture et une critique qui tienne compte de la diversité des représentations et des jeux de dédoublements ou de multiplication des voix.

Chaque écriture est riche d’une expression personnelle dont l’analyse constitue le travail de la critique, indépendamment du genre auquel appartient l’auteur(e). Mais il est indéniable que la littérature mexicaine écrite par des femmes manifeste une vigueur qui s’accroît de plus en plus et qu’elle réfléchit sur les images de la femme dans l’Histoire et la société, mais aussi dans l’imaginaire. A présent, des tabous ont été levés concernant l’écriture du corps et de la sexualité féminine, notamment dans les écrits des auteures françaises, de Simone de Beauvoir à Hélène Cixous ou Luce Irigaray. Il s’agit donc plus ici d’affirmer un contre-discours et une pratique critique ludique vis-à-vis d’images forgées par la représentation masculine d’une société phallocrate.

De fait, même si nous n’oublions pas, comme le revendique Cécile Quintana dans un volume consacré à la femme dans le monde des lettres, que le pacte d’écriture s’établit entre le lecteur et le texte, laissant en arrière-plan le rapport entre l’auteur et son texte43, nous sommes intéressée par la notion de positionnement telle qu’Aralia López González la définit :

Interpretar el género, entonces, en relación con hábitos, prácticas y discursos concretos que además, no son fijos, sino que cambian según los contextos sociohistóricos. Así la subjetividad femenina y la identidad social emergen de una experiencia historizada y no de una substancia de lo femenino44.

Il nous semble que cette approche du problème permet non seulement une contextualisation nécessaire du rôle de la femme qui tienne compte des évolutions, mais aussi une appréhension par la propre voix féminine de ce rôle et de sa façon de se représenter le monde et la société. Sans prétendre en être l’unique élément, la considération du genre fait partie des données d’étude, car elle renvoie à un système de représentations, à des stratégies de résistance à un ordre établi, à la proposition d’une image de l’autre

Ainsi, l’écriture des femmes mexicaines, longtemps écartée, méprisée ou muselée par le discours hégémonique du système patriarcal, tout d’abord colonial puis indépendant et moderne, propose maintenant aux lecteurs la diversité et la multiplicité de points de vue qui ne font qu’inscrire la littérature mexicaine dans la dynamique actuelle d’une production universelle. Elle est néanmoins caractérisée par le regard posé sur le statut sociohistorique de la femme, la prise de distance par rapport à d’autres discours, la volonté de renverser les valeurs stéréotypées, de représenter l’acte même d’écrire dans ses ambiguïtés mais aussi sa capacité de libération.

NOTES

[1] Luisa Ballesteros Rosas, La femme écrivain dans la société latino-américaine, Paris, L’Harmattan, 1994, p. 13

[2] Cf. Jean Franco, Las conspiradoras. La representación de la mujer en México, México, Colegio de México/FCE, 1989/1993.

[3] Cf. Andreas Huyssen, « Cartografía del postmodernismo », in Josep Picó (prefacio, introducción y compilación), Modernidad y postmodernidad, Madrid, Alianza, 1988, p. 214. Parlant de l’émergence de formes culturelles alternatives, Huyssen réunit l’œuvre féminine et celle des artistes appartenant aux minorités, ethniques ou sexuelles, « con su recuperación de tradiciones escondidas y mutiladas, con su énfasis en formas exploratorias de la subjetividad basada en el sexo y la raza en las producciones y experiencias estéticas y su negativa a limitarse a las canonizaciones estándar » (Ibid., p. 213). Cf. Ana Rosa Domenella, Territorio de leonas. Cartografía de narradoras mexicanas en los noventa, México, Casa Juan Pablos/UAM-Iztapalapa, 2001, p. 20, où est reprise l’idée de la comparaison des femmes et des groupes marginalisés par la culture dominante et le pouvoir. Toril Moi (Teoría literaria feminista, Madrid, Cátedra, 1988, p. 35) rappelle qu’aux XIXe et XXe siècles, les femmes qui militaient aux Etats-Unis contre le racisme ont vérifié la similitude des discours réduisant les noirs et les femmes à un stade d’infériorité.

[4] Aralia López González est l’une des fondatrices de l’Atelier Diana Morán dont nous parlons plus loin.

[5] Aralia López González, « Narradoras mexicanas : utopía creativa y acción », Literatura mexicana, vol. II, n°1, 1991, p. 103.

[6] Cf. Maricruz Castro, Laura Cázarez y Gloria Prado (ed.), Escrituras en contraste : femenino/masculino en la literatura mexicana del siglo XX, México, UAM/Aldus, 2004 ; Graciela Martínez Zalce, Luzelena Gutiérrez De Velasco y Ana Rosa Domenella (ed.), Femenino/masculino en las literaturas de América : escrituras de contraste, México, Editorial Aldus, Universidad Autónoma Metropolitana, Unidad Iztapalapa, 2005.

[7] Dans un article paru récemment, la chercheure universitaire mexicaine Maricruz Castro Ricalde – qui appartient à l’Atelier Diana Morán – étudie El otro sueño americano, un court-métrage d’Enrique Arroyo sorti en 2004 : la violence faite aux femmes mexicaines passeuses de drogue de l’autre côté de la frontière y est crûment montrée et provoque chez le spectateur une réaction apeurée de dégoût et de révolte. Mais Maricruz Castro Ricalde entend replacer cette œuvre dans les diverses productions que l’industrie du film et de la musique, tout comme le commerce éditorial, organisent autour d’une déviance criminelle de la société : « Desde el documental pionero de Lourdes Portillo, Señorita Extraviada (1991), la industria cinematográfica tanto de México como de Estados Unidos ha producido una larga lista de filmes basados en las desapariciones y las muertes de miles de mujeres en Ciudad Juárez y sus alrededores. » (Maricruz Castro Ricalde, « La muerte como necesidad de los mercados internacionales : El otro sueño americano (Enrique Arroyo, 2004) », in Cathy Fourez et Victor Martinez (dir.), La mort sous les yeux? La mort dans tous ses états à la charnière du XXe et du XXIe siècle, Paris, Hermann, 2014, p. 37)

[8] Hélène Cixous, Sorties, in Hélène Cixous et Catherine Clement, La jeune née, Paris, 10/18, 1975, p. 121-122.

[9] Brianda Domecq, Mujer que publica… mujer pública, Ensayos sobre literatura femenina, México, Diana, 1994. Nous reviendrons plus loin sur cette auteure.

[10] Michelle Perrot, Mon histoire des femmes, Paris, Seuil, Points Histoire, 2006, p. 184.

[11] Hélène Cixous, op. cit., p. 169.

[12] Béatrice Didier, L’écriture-femme, Paris, PUF, « Ecriture », 1981, p. 10.

[13] Delphine Naudier, « L’écriture-femme, une innovation esthétique emblématique », Sociétés contemporaines, 2001-4, n°44, p. 57-73, consulté le 03/08/2008 sur www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2001-4-page-57.htm, § 2/3.

[14] Hélène Cixous, op. cit., p. 176.

[15] Béatrice Didier, op. cit., p. 33.

[16] Madeleine Gagnon, « Mon corps dans l’écriture », in Hélène Cixous, Madeleine Gagnon et Annie Leclerc, La venue à l’écriture, Paris, 10/18, 1977, p. 64.

[17] Georges Duby, L’histoire continue, Paris, Odile Jacob, p. 138.

[18] Cf. Sharon Farmer, « La voix des femmes. Une réception américaine », Clio, n°8, 1998, mis en ligne le 3 juin 2005, consulté le 12/08/2008 sur : http://clio.revues.org/document319.html.

[19] Sylvie Steinberg et Jean-Claude Arnoult (dir.), Les Femmes et l’écriture de l’histoire. 1400-1800, Mont-Saint-Aignan, Publications des Universités de Rouen et du Havre, 2008.

[20] Rosa Beltrán, La corte de los ilusos, México, Planeta, 1995. Rosa Beltrán, née à Mexico, mène une double carrière d’auteure et critique littéraire (elle est romancière, nouvelliste et essayiste) et de professeure de littérature dans diverses universités. Voir son site : www.rosabeltran.net.

[21] Erma Cárdenas, Mi vasallo más fiel, México, Planeta, 2002. Erma Cárdenas, d’origine mexicaine mais née à Washington et ayant réalisé ses études supérieures au Canada, est très peu connue au Mexique – et inconnue en France, dirons-nous ! –, où elle s’est installée pour y mener une carrière professionnelle diversifiée puisqu’elle a été scénariste de romans feuilletons pour la télévision et les revues, traductrice de bandes dessinées, et qu’elle a travaillé presque trente ans dans l’éducation, assumant une charge administrative. Deux des membres de l’Atelier Diana Morán, Gloria Prado et Maricruz Castro Ricalde, ont écrit des articles sur le roman en question. Nous avons pour notre part essayé de combler l’insuffisante connaissance entourant l’écriture d’Erma Cárdenas en étudiant Mi vasallo más fiel dans l’ouvrage inédit de notre HDR (Marie-José Hanaï, Le roman mexicain à la charnière des XXe et XXIe siècles : des écrivaines face à l’Histoire, Université Paris IV-Sorbonne, novembre 2009).

[22] Ute Seydel, Narrar historia(s), La ficcionalización de temas históricos por las escritoras mexicanas Elena Garro, Rosa Beltrán y Carmen Boullosa (un acercamiento transdisciplinario a la ficción histórica), Madrid/Frankfurt, Iberoamericana/Vervuert, 2007.

[23] Née à Mexico, Silvia Molina appartient à une famille liée à la sphère politique par son père et trois oncles maternels, des généraux qui gravitaient dans l’orbite des militaires révolutionnaires venus du nord se disputant le pouvoir dans les années vingt. Elle fait des études en anthropologie puis en lettres. En 1976, elle envisage de travailler à sa propre expression et elle entre dans un atelier d’écriture conduit par Elena Poniatowska, dont l’importance dans les lettres mexicaines l’impressionnait, mais aussi par Hugo Hiriart, avec qui elle travaille la concision et la simplicité. La participation à cet atelier est décisive dans sa détermination à devenir elle aussi auteure. Elle mène alors une carrière à multiples facettes : auteure, éditrice de littérature enfantine, professeure de littérature et de nahuatl. Voir son site : www.silviamolina.com.

[24] Fille de l’Espagnol Pedro Domecq, de la prestigieuse dynastie andalouse bien connue dans le commerce du vin, et d’une Nord-Américaine, Brianda Domecq est née à New York. Elle a neuf ans lorsque sa famille s’installe à Mexico, ce qui implique pour elle l’apprentissage d’une nouvelle langue, celle qu’elle choisira au moment d’écrire. Elle entreprend des études universitaires en Langue et Littérature Hispaniques à la UNAM alors qu’elle est mariée et mère de famille car elle refuse de se voir cantonnée à un rôle stéréotypé : « Hice mis estudios superiores por no hacer el trabajo de casa ni hacerme de nana de niños » (Brianda Domecq, « De cómo nací y cuya hija fui », in Priscilla Gac-Artigas (ed.), Reflexiones, 60 ensayos sobre escritoras hispanoamericanas, consulté le 18/08/2008 sur http://bluehawk.monmouth.edu/~pgacarti/briandadomecq.htm). La carrière littéraire de Brianda Domecq se partage entre l’expression de son propre imaginaire et des mythes qui l’interpellent – la femme, la virginité –, une activité de journaliste culturelle et la promotion critique de la littérature mexicaine écrite par des femmes (elle crée une maison d’édition, Ariadne, consacrée à la publication de ce corpus). Actuellement, Brianda Domecq organise des ateliers de travail sur la découverte intime de l’être et l’acquisition de la confiance en soi. Nous soulignerons en particulier son roman La insólita historia de la Santa de Cabora (México, Planeta, Colección «Fábula», 1990), qui fictionnalise la vie et la mort de Teresa Urrea (1873-1906), une femme métisse de l’État de Sonora considérée par l’Histoire comme une figure prérévolutionnaire et par la légende comme une guérisseuse aux pouvoirs magiques.

[25] Gabriella de Beer, Escritoras mexicanas contemporáneas : cinco voces, México, Fondo de Cultura Económica, 1999, p. 101. À Verónica Ortiz, Silvia Molina fait le même type de réponse : « Hay una sola literatura, pero sí hay un punto de vista distinto. […] A lo mejor también hay un tono. » (Verónica Ortiz, Mujeres de palabra, México, Joaquín Mortiz/Planeta, 2005, p. 228)

[26] Gabriella de Beer, op. cit., p. 155.

[27] Ibid., p. 100. Silvia Molina répond aussi à Kay S. García dans Broken Bars. New perspectives from Mexican women writers, Albuquerque, University of New Mexico Press, 1994, p. 118 : « I believe that many of my characters are feminists in the sense that they try to find their own values and to express themselves, on a par with men. »

[28] Brianda Domecq, « Escribir para reinventarse », Mujer que publica… mujer pública, op. cit., p. 28-29.

[29] Cf. Gabriella de Beer, op. cit., p. 106.

[30] Cf. ibid., p. 97.

[31] Silvia Molina, « Mis novelas no son históricas », Entrevista con Vicente Federico Torres, Uno más uno, 7 de agosto de 1987, p. 7.

[32] Cf. Brianda Domecq, « Hasta no verte, literatura mía », Mujer que publica… mujer pública, op. cit., p. 78-79.

[33] Brianda Domecq, « Trilogía », Bestiario doméstico (1982), México, Fondo de Cultura Económica, « Letras mexicanas », 1992, p. 117. C’est nous qui soulignons.

[34] Précisons que Gloria Prado est une chercheure et universitaire mexicaine appartenant au groupe de critique littéraire Diana Morán.

[35] Gloria Prado, « Del Paraíso de Adán a la región de los mitos prohibidos », in Aralia López González (coord.), Sin imágenes falsas, sin falsos espejos. Narradoras mexicanas del s. XX, México, El Colegio de México, 1995, p. 492.

[36] Ibid., p. 479.

[37] Brianda Domecq, « La callada subversión », in Aralia López González, Sin imágenes falsas, sin falsos espejos, op.cit., p. 243.

[38] Cristina Rivera Garza est née à Matamoros et elle a une formation d’historienne. L’interaction entre Histoire et fiction est ainsi l’une des bases du travail de Cristina Rivera Garza, qui est à la fois romancière, poète, nouvelliste et critique littéraire, mais aussi historienne, professeure d’histoire mexicaine et de création littéraire à l’Université de San Diego. Les thèmes de l’écriture fictionnelle et poétique de Cristina Rivera Garza sont de façon générale tournés vers les images de l’amour/désamour et du corps, mais aussi vers la réécriture des genres littéraires, par exemple le roman naturaliste pour Nadie me verá llorar (1999), le roman policier pour La muerte me da (2007). L’autoréflexivité de l’œuvre s’affirme ainsi comme un trait pertinent des préoccupations de Cristina Rivera Garza. Voir son blog, intitulé « No hay tal lugar » : http://www.cristinariveragarza.blogspot.com.

[39] Cf. Inés Sáenz, « Olvidar la certidumbre. Una entrevista a Cristina Rivera Garza », Revista de Literatura mexicana contemporánea, año IX, vol. 10, n°24, sept-dic. 2004, p. XXI.

[40] Ibid.

[41] Cristina Rivera Garza, La muerte me da, México, Tusquets, « Andanzas », 2007, p. 65.

[42] Ibid., p. 67.

[43] Cf. Cécile Quintana, « Andamos huyendo Lola : version mexicaine du drame du pour-autrui », in Maryse Renaud (coord.), La mujer en la República de las Letras, Poitiers, Centre de Recherches Latino-américaines/Archivos, 2001, p. 140 : Cécile Quintana s’appuie ici sur la théorie de Michaël Riffaterre, La production du texte, Paris, Seuil, 1979.

[44] Aralia López González, Sin imágenes falsas, sin falsos espejos, op. cit., p. 14. On retrouve cette idée, mais de façon plus ample, dans le prologue qu’Aralia López González a proposé pour la sélection de contes publiée par Brianda Domecq, A través de los ojos de ella, México, Ariadne, 1999, p. 18 : « […] la literatura, sin perder su filiación estética, cumple también una función cogniscitiva al indagar y recrear situaciones humanas que, necesariamente, se refieren a sujetos individuales y sociales en circunstancias temporales y espaciales concretas.

L'auteur

Marie-José Hanaï, ancienne élève de l’ENS de Fontenay-St Cloud, est Professeure des Universités dans le domaine de la littérature hispano-américaine contemporaine, au Département d’Études Romanes de l’Université de Rouen. Elle est membre du laboratoire « Équipe de Recherches sur les Aires Culturelles » (ERIAC) de cette même université, équipe interdisciplinaire qui rassemble des linguistes, des littéraires, des civilisationnistes, des géographes culturels et des philosophes.  Son travail de recherche est principalement consacré à l’étude du nouveau roman historique latino-américain, plus particulièrement mexicain, depuis les années 1970 jusqu’à nos jours. Après une thèse de Doctorat sur la réécriture de l’Histoire et la projection d’un futur apocalyptique dans les romans de Carlos Fuentes, Fernando del Paso, Homero Aridjis et Eugenio Aguirre, elle s’intéresse plus récemment au roman historique postmoderne écrit par des auteures mexicaines, et à l’œuvre de Cristina Rivera Garza et Ana García Bergua. Elle a aussi publié des articles sur l’œuvre de Mario Vargas Llosa.

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