Abstract:
This article outlines a dynamic vision of Mexican literature from the 1990s to the period of extreme contemporary. The coexistence between different generations is first examined, including that of the eldest, Octavio Paz, Carlos Fuentes and Fernando del Paso, while the Crack group formed by Jorge Volpi, Eloy Urroz, Ignacio Padilla and Pedro Ángel Palou emerges, between other young writers. The emphasis is on the work of hybridization between short stories and novels practiced by established authors such as Carlos Fuentes in La frontera de cristal, but also Álvaro Uribe or Álvaro Enrigue. More generally, the use of the fragmentary is manifested by the search for rhythmic narrative effects by means of series and variations in the work of Margo Glantz, by a work of composition in the "Trilogy of memory" by Sergio Pitol, by the metamorphoses of the same story from one book to another in which Mario Bellatin engages. It highlights how various formal tendencies respond to the urgency of violent political and social events in the 1990s and 2000s: the coexistence of fiction and non-fiction in anthologies, the rise of non-fiction or of a novel of impunity that deviates from the conventions of the neo-detective story or the black novel to address the phenomenon of drug trafficking or that of migration. Fertility and diversity characterize the contemporary trends in this literature, which critics have tried to model by evoking, among other things, the existence of a “literature of the north” or a “literature of the border”.
Keywords: Mexican literature, XXth century, panorama, north literature, border literature
Introduction
Si l’on périodise très arbitrairement, par décennies, la littérature mexicaine récente, les années quatre-vingt-dix du XXe siècle marquent un tournant sensible, annonçant les tendances esthétiques, les regroupements et les classifications que la critique littéraire discerne actuellement, au sein de l’espace national, dans la littérature dite de l’extrême contemporain, soit celle du XXIe siècle. Mais, bien évidemment, l’arbitraire des dates se voit joué par la réalité des œuvres littéraires qui explorent les possibilités de la prose narrative — nous ne parlerons pas de poésie ici — à l’heure de la mondialisation accélérée, des nouvelles stratégies de communication, de ce que l’on a commodément appelé postmodernité. Donc, comme de bien entendu, la décennie des années quatre-vingt-dix commence avant 1990, pour ce qui concerne la littérature mexicaine. Si cette décennie est cependant remarquable au sein du champ littéraire, c’est parce qu’alors plusieurs générations assez distinctes publient en même temps : tandis que des écrivains appartenant à la génération du boom, tels Carlos Fuentes ou Fernando del Paso, renouvellent leurs choix esthétiques et inscrivent résolument leurs romans dans une forme postmoderne ou épimoderne, tandis que la ou les générations du post-boom cherchent toujours à se distinguer, avec succès, de ce dernier, de tout nouveaux venus tentent de se frayer un chemin à l’aide d’un coup d’éclat. En 1996, les écrivains du groupe du Crack, Jorge Volpi, Ignacio Padilla, Pedro Ángel Palou, Eloy Urroz et quelques autres lisent ainsi un manifeste à la presse, à l’occasion de la publication conjointe de cinq romans, dont El temperamento melancólico du premier cité. La première apparition publique de l’embryon du groupe remonte cependant à 1994, lors de la parution du volume Tres bosquejos del mal, signé des seuls Eloy Urroz, Ignacio Padilla et Jorge Volpi. Se réclamant d’une écriture complexe, les auteurs du manifeste renient non pas leurs aînés du boom mais les épigones de ces derniers, auteurs de bestsellers qui auraient systématisé le recours à un réalisme magique abâtardi, et qui, par ailleurs, se meuvent davantage sur le marché international de la littérature latino-américaine que dans l’espace national.
Trois romans exemplaires en 1987
La décennie des années quatre-vingt-dix débute sans doute en 1987 et en 1988, pour le genre du roman. C’est en 1987, en effet, que paraît un roman, à sa façon monumental, Noticias del imperio de Fernando Del Paso, lequel revient sur l’histoire de l’Intervention Française au Mexique et de l’empire de Maximilien de Habsbourg. Roman historique, certes, mais tout à la fois satirique et lyrique, polyphonique, plurigénérique ou hybride, qui ne reprend pas seulement, le déployant à travers la subjectivité des acteurs du drame, le récit de la guerre et de l’empire mais qui relit aussi avec ironie les œuvres que la littérature, les études historiques et les témoignages, aussi bien français que mexicains, ont consacrés à cet épisode majeur de l’histoire mexicaine du XIXe siècle. Ainsi, Noticias del imperio traverse, mettant à jour ses sources de façon postmoderne, un feuilletage de discours sur l’histoire qu’il confronte pour établir sa propre version de l’Intervention, présentée comme l’anachronique folie impériale des nations européennes. Cette folie se voit condensée de façon inspirée dans les monologues d’une Charlotte de Belgique vieillie, qui scandent le récit. Mais la parole délirante de l’ex-impératrice, en proie à une irréfrénable nostalgie d’un Mexique à jamais exotique à ses yeux, porte aussi l’élan de la fiction, clame la liberté de l’imagination, cette « folle du logis » qui, seule, est capable d’assurer la vérité esthétique de l’histoire.
Ceci pour le roman historique et cela pour le roman de, légère, anticipation : c’est en 1987, encore, que Carlos Fuentes publie un autre roman volumineux, l’audacieux, cervantesque et joycien Cristóbal Nonato, devançant de cinq ans la célébration officielle du Cinquième Centenaire de la Rencontre des Deux Mondes. Apocalyptique, satirique et carnavalesque, le roman interroge l’avenir du Mexique, pays morcelé, démembré, acculturé dans la fiction, où un gouvernement bicéphale PRI/PAN prétend fêter le Cinquième Centenaire en élisant pour citoyen emblématique le premier enfant qui naîtra en 1992 sous un nom proche de celui du Découvreur Christophe Colomb. Le narrateur n’en est autre que le non-né ou fœtus Cristóbal Palomar, doté du savoir et de l’expérience de ses jeunes parents et de ses oncles, qu’il oubliera à sa naissance, lors du dénouement, suppliant ses lecteurs ou « Electeurs » de les recueillir. Cristóbal Nonato se veut un roman qui accomplisse la cervantesque critique de la lecture, le narrateur interpellant constamment les lecteurs, « Sus Mercedes Benz », tandis qu’une scène comique met l’œuvre en abyme, l’inscrivant dans une double tradition : celle de la Mancha et celle de Waterloo, dont la première l’emporte sur la seconde. Les plaisirs et les jeux de la métafiction y sont donc à l’honneur, associés à un maniement très ludique de l’intertextualité qui détourne de façon quasi situationniste des vers de La Suave Patria de López Velarde. Carlos Fuentes, toujours prompt à modéliser son écriture dans ses discours d’essayiste, revendique à l’époque une littérature de la légèreté, dans la lignée de Cervantes, Diderot et Sterne, dont il juge le fil indûment interrompu, tout comme le fait alors Milan Kundera. Il la définit par des traits tels que l’hétéroglossie, l’hétérodoxie, le ludisme qui accentue la valeur de vérité de la fiction, le recours au comique et au burlesque, se réclamant de la carnavalisation romanesque théorisée par Mikhail Bakhtine.
Dans son Diccionario crítico de la literatura mexicana (2007), Christopher Domínguez Michael juge qu’avec Cristóbal Nonato et auparavant avec La guerra del fin del mundo de Mario Vargas Llosa, la démesure des romans de del Paso vient clore : « la omnívora literatura latinoamericana que inicia con Carpentier y que goza de la proliferación tropical » (Domínguez Michael, 2007: 392). Filant sa métaphore de la dévoration, il l’attribue au rabelaisien Palinuro de México (1977) et lui préfère celle d’une difficile digestion de la matière nutritive de l’histoire pour qualifier la stratégie, par ailleurs admirable, concède-t-il, de Noticias del imperio. Le critique range donc les romans de Carlos Fuentes et de Fernando del Paso, tout postmodernes qu’ils se veuillent en 1987, dans le prolongement de l’esthétique du boom.
Tout autre est le pari d’un bref roman d’Alberto Ruy Sánchez, Los nombres del aire, qui remporte en cette même année 1987 le Prix Xavier Villaurrutia. L’écrivain et éditeur de la revue Artes de México inaugure là le cycle sensuel de romans et de nouvelles qu’il situe dans la ville à demi imaginaire de Mogador, ancien nom de l’actuelle Essaouira marocaine. L’exotisme, dont les chatoiements se voient déployés de façon critique dans la bouche de la Charlotte de Noticias del imperio, fait ici retour, sous la forme d’un orientalisme mexicain qui le prend pour prétexte à l’écriture de ce qu’Alberto Ruy Sánchez dénomme une « prose d’intensités ». Mais cet orientalisme se fonde sur un imaginaire des parentés entre la culture arabe et la culture mexicaine, sur le rappel de la composante maure que celle-ci renferme, transmise clandestinement par l’Espagne impériale. Le travail de styliste de l’auteur recherche une expression poétique qui érotise l’écriture au-delà de la sensualité des scènes et des trames que mettent en place ses récits. Los nombres del aire sera suivi, dans les années quatre-vingt-dix et deux mille, de quatre autres romans brefs, formant un quintette de Mogador : En los labios del agua (1996), Los jardines secretos de Mogador (2001), Nueve veces el asombro (2005), La mano del fuego (2007). Si Octavio Paz a qualifié Alberto Ruy Sánchez de parfait cosmopolite et d’écrivain atypique au sein de la littérature mexicaine, le fait que ce dernier élise pour lieu de ses fictions un univers lointain, quoique stylisé en véritable territoire littéraire, n’en est pas moins symptomatique d’une tendance qui se déclinera de diverses façons entre les années quatre-vingt-dix et deux mille et que l’on a pu définir comme la déterritorialisation de la littérature nationale. Une tendance que l’on observe par ailleurs dans tout le champ de la littérature latino-américaine et qui conduit la critique à parler de littératures post-nationales ou transnationales, dont la nouvelle constitution serait à comprendre dans le contexte d’une mondialisation littéraire.
Affaires politiques et fiction
1988, année de l’élection controversée de Carlos Salinas de Gortari à la Présidence de la République, marque aussi, dans le domaine des lettres, la rupture retentissante entre Carlos Fuentes et la rédaction de la revue Vuelta, fondée et présidée par Octavio Paz. Due à une critique proche de la diatribe qu’écrit Enrique Krauze contre le romancier, cette rupture sera sans retour. Carlos Fuentes s’y voit vilipendé pour son dandysme littéraire cosmopolite, pour sa lecture de l’histoire mexicaine, censément dévoyée dans la fiction, pour sa vision du Mexique qu’il modèlerait en fonction d’un public étranger. En cette dernière année d’une guerre froide exténuée avant la chute du mur de Berlin, la charge contre Carlos Fuentes, d’abord publiée aux Etats-Unis dans le journal conservateur New Republic, semblait chercher à discréditer le romancier en tant que figure internationale des lettres mexicaines, alors qu’il venait de recevoir le Prix Cervantes mais aussi l’Ordre du Mérite Ruben Darío, octroyé par le gouvernement sandiniste nicaraguayen. Dès lors s’affronteront ouvertement les groupes littéraires et politiques liés à Vuelta, d’orientation libérale, et à la revue Nexos, expression d’une gauche non radicale, différemment critiques à l’égard du gouvernement priiste d’un président qui se veut modernisateur sur le plan économique mais qui peine à démocratiser son propre parti.
Les années quatre-vingt-dix s’achèveront sur la fin de l’hégémonie politique du PRI mais verront, entretemps, la conclusion du mandat présidentiel de Carlos Salinas de Gortari, durant la terrible année 1994, inaugurée le premier janvier par la signature de l’Accord de Libre Commerce Nord-Américain et par ce contrepoint politique que fut le soulèvement de l’Ejército Zapatista de Liberación Nacional dans le Chiapas. Pareil événement apportait la preuve qu’il restait d’urgentes affaires en souffrance dans un Mexique que le gouvernement prétendait faire entrer dans le premier monde. La série d’assassinats au plus haut niveau de l’État et de l’appareil du Parti — dont celui du candidat priiste Luis Donaldo Colosio en mars 1994 —, qui se succédèrent dans les mois qui suivirent, crimes jamais véritablement éclaircis et dont la couverture médiatique dissimulait fort mal une grossière stratégie de désinformation, devait donner lieu à une symptomatique riposte a posteriori de la part des écrivains de fiction. Une anthologie, intitulée Nuevas líneas de investigación. 21 relatos contra la impunidad et publiée en 2003 chez Era par Martín Solares, rassemble ainsi la reprise parodique et satirique de ces affaires dans des chroniques et des fictions signées d’auteurs très divers tels que Carlos Monsiváis et Sergio Pitol, les aînés ; Juan Villoro, Francisco Hinojosa, Guillermo Sheridan, Sergio González Rodríguez, les cadets ; suivis des benjamins David Toscana et Mario González Suárez, tandis qu’Elmer Mendoza fait figure de cadet benjamin du fait du succès alors récent de ses premiers romans. La perspective citoyenne de l’anthologie, lisible dans son sous-titre, se voit associée à certaines stratégies génériques empruntées au roman policier ou au roman noir, lisibles dans son titre. Si ce titre ne rend pas compte de tous les modes d’écriture des textes réunis dans le livre, il témoigne néanmoins du mouvement, alors largement amorcé par nombre d’auteurs, vers un réalisme parodique qui s’inspire, de façon plus ou moins accentuée, des formes du roman noir et qui connaîtra un essor renouvelé dans les années deux mille au sein de cet ensemble hétérogène que la critique dénomme « narcolittérature ». Le traitement de l’histoire immédiate à l’aide de ce réalisme parodique se voit en effet motivé dans le nouveau siècle par l’actualité des conséquences sociales et politiques du crime organisé durant les sexennats des présidents panistes, celui de Vicente Fox et surtout celui de Felipe Calderón, qui décrète une guerre de l’État contre le narcotrafic, ayant recours à l’armée et à la marine nationales pour combattre les dits « cartels » de la drogue, avec les conséquences que l’on sait.
L’une des tendances de la littérature contemporaine également sensible dans cette anthologie apparaît dans la juxtaposition de textes de fictions et de chroniques ou de chapitres de livres de non-fiction. Ainsi l’on y trouve un chapitre du volume Huesos en el desierto de Sergio González Rodríguez, publié en 2002 chez Anagrama, vaste enquête et essai consacré aux assassinats de femmes à Ciudad Juárez dans les années quatre-vingt-dix, période durant laquelle l’auteur avait commencé ce travail à la chaleur des événements. Nouvelles inspirées du roman noir, essais-enquêtes de non-fiction, chroniques écrites à la façon de billets d’humeur ou redevables à l’analyse politique et culturelle, ainsi qu’un communiqué officiel de l’Ejército Zapatista de Liberación Nacional dialoguent et se complètent dans l’anthologie. L’ensemble se veut une éloquente entreprise contre l’impunité dont jouissent les auteurs de crimes politiques ou de crimes sociaux, mais aussi contre les versions mensongères des événements que façonnent les autorités politiques ou judiciaires et que diffusent les médias. On reviendra plus avant sur le double essor de la non-fiction et des récits du crime selon des codes partiellement empruntés au roman noir, qui semble engager à nouveau la littérature dans une approche politique du réel, fort différente cependant de ce que fut le « roman engagé » du milieu du XXe siècle.
Vers le passé, vers le futur
Mais revenons à la dynamique des générations mêlées qui publient dans les années quatre-vingt-dix. 1990, date inaugurale au sens strict de la décennie, voit Octavio Paz, qui vit encore et vivra jusqu’en 1998, recevoir le Prix Nobel de Littérature. Christopher Domínguez Michael conclut un hommage intitulé « La muerte de Octavio Paz » et publié originellement en 2001 par la réflexion suivante : « Mañana, no creeré que fui contemporáneo de Octavio Paz » (Domínguez Michael, 2007 : 408). Cet étonnement anticipé de l’essayiste témoigne d’une conscience aigüe des phénomènes de transmission en littérature, de la façon dont s’établit une tradition et dont s’écrit a posteriori l’histoire littéraire et culturelle au sein, ici, de l’histoire nationale. Car la présence d’Octavio Paz durant la dernière décennie du XXe siècle est celle d’un poète, certes, mais aussi celle d’une autorité intellectuelle et d’un créateur de revues offrant des espaces de réflexion, d’un témoin et d’un penseur critique de toute la culture politique, littéraire et artistique de la période postrévolutionnaire depuis les années 1930, qui continue alors de penser l’actualité et écrit sur la portée du soulèvement de l’ezln.
Le tout début de la décennie voit, en 1992, la célébration officielle du Cinquième Centenaire de la Rencontre des Deux Mondes qui donnera lieu à de nouveaux retours littéraires sur les thèmes de la Découverte et de la Conquête, à l’exploration aussi de la Terra Nostra culturelle hispano-mexicaine que mène à bien l’autre aîné d’alors, Carlos Fuentes, dans son essai El espejo enterrado (1993). L’écrivain publie encore à cette occasion El naranjo, un recueil de cinq — nombre évoquant les cinq siècles écoulés depuis 1992 — nouvelles carnavalesques, oniriques, parodiques, qui proposent des uchronies sous forme de contre-conquêtes ou de découvertes ajournées, corrigeant le récit de l’histoire par la remise en jeu des forces jadis en présence, mettant à mal les notions mêmes de vaincus et de vainqueurs pour écrire le futur et non pas le fatal. On trouve, dans cette lecture de l’histoire animée de corsi et de ricorsi à la lumière de la pensée de Giambattista Vico, une revendication du métissage culturel et de la paradoxale fécondité des conquêtes qui, pour violentes qu’elles soient, ménagent des rencontres entre les cultures. Le discours de la fiction ne laisse pas de montrer quelque parenté avec l’éloge de la créolisation — non pas comme seul phénomène linguistique mais en tant que création de cultures rhizomatiques — que fait Édouard Glissant dans son Introduction à la poétique du divers, soulignant qu’il s’agit du modèle d’évolution actuel des cultures du monde.
Cette lecture du long temps de l’histoire culturelle alterne, dans la création de Carlos Fuentes, avec un intérêt pour l’actualité et pour le proche avenir, qui suscite en 1995, un an après la signature de l’alena, la parution de La frontera de cristal, un roman en neuf nouvelles. Avec l’habileté narrative qui caractérise Fuentes, le livre offre neuf exercices de style et neuf vues de la frontière, entendue non pas comme la seule limite territoriale mais comme divers aspects du frontalier dans les territoires du Mexique et des Etats-Unis. Avertissement, plaidoyer, divination de l’avenir, La frontera de cristal peut être lue comme une œuvre à la fois légère et engagée, qui met en regard l’immédiateté de la réalité contemporaine et le passé de la région tout en proposant un imaginaire de l’imminence des changements. Ce roman kaléidoscopique en neuf nouvelles s’achève sur une scène chorale de manifestation de migrants et sur l’assassinat du dénommé « tsar de la frontière nord », industriel et homme politique lié au narcotrafic. De fait, traversant la frontière de la fiction, le livre adresse une urgente invitation à écrire et à parler de la frontière lors de ces nouveaux temps qu’augure l’alena, et semble lancer un appel à mesurer la recrudescence de la violence qui, en 1995, règne déjà dans la région. Il ne confirme pas seulement, depuis son rang d’œuvre littéraire vouée à une ample diffusion, l’importance du thème frontalier pour la littérature mexicaine mais l’associe au narcotrafic, apercevant ainsi depuis sa frontière-boule de cristal deux imminents ensembles de la création narrative mexicaine qui se recoupent parfois : la littérature dite du nord et le narco-roman ou les essais et les chroniques, dont on a souligné plus haut l’importance croissante, consacrés à la grande variété de crimes liés au narcotrafic et à l’affaiblissement de l’Etat.
Par sa forme même, hybride, bi-générique, fragmentant le roman en ces textes autonomes que sont les nouvelles tout en leur cherchant une unité romanesque par divers procédés, tels que les recoupements d’intrigues ou les retours des personnages, La frontera de cristal s’avance vers des modes d’écriture ultra-contemporains, qui associent la fragmentation à la totalité elliptique et convient le lecteur à composer l’œuvre et à enquêter sur l’énigme que mettent en place les fins ouvertes associées à l’effet des interstices ménagés entre les fragments ou les parties. On songe ici, bien sûr, au travail d’un Roberto Bolaño, qui pousse très loin ce jeu de composition dans Los detectives salvajes et dans 2666, à celui d’un Álvaro Enrigue dans ses romans ou ses livres hybrides des années deux mille tels que Hipotermia (2006) ou Vidas perpendiculares (2008) mais aussi à celui d’un Álvaro Uribe dans La lotería de San Jorge (2004). Néo-borgésiens, et parfois néo-cortazariens, comme peut aussi l’être Bolaño, ces auteurs participent d’une recherche littéraire exigeante au sein d’une création proprement hispano-américaine qui se situe dans un contexte contemporain plus vaste aux côtés des expérimentations formelles à partir de la fragmentation d’un Mark. Z. Danielewski, américain, ou celle d’un Pierres Senges, en littérature française.
L’art de la fugue : des auteurs-compositeurs
Parmi les écrivains qui ont commencé à publier dans les années soixante et soixante-dix, Sergio Pitol s’impose dans les années quatre-vingt-dix comme un modèle de liberté créative pour les plus jeunes générations d’écrivains — il sera davantage encore salué en ce sens dans les années deux mille par un Roberto Bolaño — avec la publication de son livre- miscellanées El arte de la fuga (1996). Ce titre, qui évoque la composition musicale, nomme une passionnante chronique de lectures, mêlant récits autobiographiques, réflexions sur l’actualité politique et essais de critique littéraire. Sergio Pitol récidivera dans cet exercice de la libre association générique avec deux autres volumes constituant une trilogie dite « de la mémoire » : El viaje (2000), chronique d’un voyage en URSS tout autant qu’à travers la littérature russe, dont les épisodes sont réinterprétés par des récits de rêves et d’hilarantes scènes fantasmatiques, et El mago de Viena (2005), que Christopher Domínguez définit comme « l’une des grandes autobiographies littéraires de nos lettres ». (415) Le critique tient cependant à souligner que Sergio Pitol n’est pas, comme on tend à le présenter, un rénovateur des genres littéraires mais un magnifique éditeur de ses propres écrits, qu’il métamorphose en les faisant passer d’un registre à un autre lors de leur intégration dans tel ou tel volume. Quoi qu’il en soit, cette méthode de composition de livres où se côtoient fictions et essais ou chroniques se généralisera dans les années deux mille. Pour exemple : El gaucho insufrible (2003) de Roberto Bolaño et, parmi d’autres dans la littérature mexicaine, le volume Recels (2009) d’Alain-Paul Mallard. Ces livres mixtes diffèrent, de par la créativité de leurs effets de composition, des anthologies personnelles d’auteurs, lesquelles peuvent paraître emprunter un chemin comparable, telle Espejo retrovisor (2013) de Juan Villoro, qui comprend néanmoins deux sections clairement distinctes, l’une de nouvelles, l’autre de chroniques.
Mais le principe des textes ou de fragments migrant d’un volume à un autre et trouvant par là une autre valeur voire une autre nature caractérise l’œuvre de nombre d’auteurs contemporains qui créent ainsi un réseau d’écrits, en une stratégie ou une politique de composition inter-intra-textuelle à l’échelle de l’ensemble de leurs livres, forme de gigantesque et vertigineux work in progress dont le virtuel inachèvement dit le refus de la fixité des textes. L’œuvre d’un Mario Bellatin en témoigne au Mexique, qui fait montre d’une extrême cohérence dans le travail du fragmentaire et de la métamorphose des textes d’un livre à un autre — le titre de Jacobo reloaded (2014), le dit assez face à Jacobo el mutante (2003). Bellatin avait publié auparavant des romans apparemment plus clos tels que Salón de belleza (1994), fable cruelle et morale sur la maladie, la beauté et la mort, ou Poeta ciego (1998), qui met en scène fanatisme et addiction autour d’un poète aveugle, orphelin, couvert de grains de beauté. L’autofiction plus parodiée que réelle, davantage que l’autobiographie, que pratique l’écrivain, la production de faux romans japonais — El jardín de la señora Murakami (2000), Shiki Nagaoka: Una nariz de ficción (2001), entre autres titres —, les constants jeux de simulacre auxquels se livre l’ensemble de l’œuvre achèvent de miner toute notion d’identité, donc d’identique, et de normalité, lesquelles se voient là réduites à des fantasmes.
Margo Glantz, de la génération de Sergio Pitol, travaille elle aussi le mélange de registres : l’érudition et la subtilité de stratégies intertextuelles surgissant de façon impromptue, quasi conversationnelle, côtoient le trivial, le quotidien et l’érotisme dans son roman Apariciones (1996), qui fait alterner des séquences évoquant la vie de nonnes de l’époque coloniale avec d’autres, inspirées de Georges Bataille, narrant la vie conjugale et fantasmatique de la narratrice tout en mettant en scène l’exercice érotique de l’écriture. Ce roman sera suivi de El rastro (2002), subtil travail rythmique sur le modèle des Variations Goldberg de Bach, dont le récit, qui conte les obsèques risibles et poignantes du mari de la narratrice, est constamment associé au souvenir d’œuvres musicales et littéraires. L’œuvre de la polygraphe Margo Glantz, professeure et critique, a encore accentué le travail rythmique du fragmentaire dans Saña (2007), Coronada de moscas (2012), chronique de voyages en Inde, et surtout dans Yo también me acuerdo (2014), livre écrit sur le modèle proposé par Georges Perec, qui fait entrer des twitts dans une suite des fragments mémoriels, orchestrant une grande variété de thèmes qui forment des séries discontinues. Traversant la logique des générations, l’œuvre de Margo Glantz est actuellement publiée par la maison Sexto Piso, qui édite aussi certains textes de Mario Bellatin.
Approches du réel : chronique, roman biographique, néo-policier
Dans les années quatre-vingt-dix, parmi les stricts contemporains voire les complices de Sergio Pitol, se trouvent le poète, narrateur et chroniqueur José Emilio Pacheco, le chroniqueur et analyste culturel Carlos Monsiváis, la chroniqueuse et romancière Elena Poniatowska. José Emilio Pacheco publie en 1990 La sangre de Medusa y otros cuentos marginales, une anthologie qui rassemble nouvelles récentes et nouvelles anciennes, revues et corrigées. Le pessimisme moraliste des récits de maturité agace alors le jeune critique Christopher Domínguez Michael, qui qualifie le nouvelliste et chroniqueur Pacheco de « rhétoricien de l’humanisme », le jugeant déjà figé dans une position de maître à penser trop neutre vis-à-vis de la réalité politique (Domínguez Michael : 1998, 158). Carlos Monsiváis poursuit de son côté son œuvre d’infatigable analyste de la réalité culturelle et politique, avec un titre éloquent : Los rituales del caos (1995), livre où il examine comment les cérémonies, profanes ou religieuses, préservent une forme d’identité collective au sein du D.F. En 2009, Apocalypstick, l’un des derniers ouvrages parus du vivant de Monsiváis, pourra être lu comme une somme sur la mégalopole qu’est devenue Mexico tout autant que comme une synthèse des régimes d’écriture de son auteur, qui vont là des fictions religieuses parodiques aux chroniques-essais. Elena Poniatowska, sans pour autant abandonner son travail de chroniqueuse, entreprend l’écriture de biographies romancées avec le volumineux roman Tinísima, portrait de la photographe Tina Modotti et de toute une époque de la culture postrévolutionnaire. En 2011, le roman Leonora, redevable au même genre littéraire quoique moins tributaire de l’exhaustivité documentaire, narre la vie de la peintre surréaliste Leonora Carrington et obtient le prix Biblioteca Breve. L’œuvre d’Elena Poniatowska se ramifie donc mais demeure associée à un travail sur l’histoire des mouvements sociaux ainsi que sur une forme d’histoire des femmes, mêlant toujours avec talent la recherche d’archives, de documents, de témoignages à la légèreté et la vivacité de son écriture de fiction.
Plus jeune que les précédents mais fort de la longue trajectoire qu’il avait déjà derrière lui, José Agustín revient en 1992 sur l’univers d’Acapulco, qu’il avait magistralement traité, entre enfer et paradis artificiels, dans l’odyssée underground et psychédélique Se está haciendo tarde (final en laguna) (1973). Dos horas de sol se veut ainsi un portrait du port peu avant la signature de l’alena. L’écrivain publie également, entre 1990 et 1998, une chronique de la vie mexicaine en trois tomes : Tragicomedia mexicana. La vida en México de 1940 a 1994.
Faut-il le souligner ? Le travail de chroniqueurs tels que Carlos Monsiváis ou Elena Poniatowska, essentiel dans la vie culturelle et politique mexicaine, connaît une descendance extrêmement vivace avec l’essor actuel du genre, au Mexique mais aussi dans l’ensemble de l’Amérique Latine. Le journalisme littéraire ou « l’ornithorynque », pour reprendre la définition créative que donne de la chronique Juan Villoro, l’une de ses grandes figures actuelles, connaît une diffusion à l’échelle continentale, une politique d’éditions sans précédent, et fait l’objet de rencontres, de colloques et de congrès, favorisés, entre autres facteurs, par la Fundación Gabriel García Márquez para un Nuevo Periodismo Iberoamericano, créée en 1994. Au Mexique, aux côtés de Juan Villoro, Fabrizio Mejía Madrid, l’un des jeunes chroniqueurs et romanciers actuels, commence à publier dans les années quatre-vingt-dix des recueils de chroniques tels que Pequeños actos de desobediencia civil (1996) ou Salida de emergencia (1997). En 2010, paraît son roman Disparos en la oscuridad, qui narre les derniers jours de Gustavo Díaz Ordaz, éclaire la personnalité du répresseur de 1968 et revient sur son histoire politique.
Dans le genre néo-policier qu’il a inventé avec ses complices d’autres pays latino-américains, comme l’Argentin Mempo Giardinelli, les Cubains Daniel Chavarría et Leonardo Padura Fuentes, Paco Ignacio Taibo II, fondateur en 1993 de la Semana Negra en Gijón, publie alors toute une série de romans tout à la fois optimistes et désenchantés où des redresseurs de torts de gauche mettent en échec le crime et l’appareil répressif de l’État : ainsi de Cuatro manos (1990), de La bicicleta de Leonardo (1993), de Máscara Azteca y el Dr Niebla (1996). Historien de formation, il se consacre également à l’écriture de biographies des figures héroïsées de la gauche historique ou de la révolution mexicaine : Ernesto Che Guevara, tambien conocido como el Che (1996), Arcángeles. Doce historias de revolucionarios herejes del siglo XX (1998), Pancho Villa. Una biografía narrativa (2006). Durant la dernière décennie Paco Ignacio Taibo II s’essayait à une forme particulière de toman total : le roman d’aventures avec El retorno de los tigres de la Malasia (2010) sans pour autant cesser d’écrire des ouvrages sur des épisodes tus ou insuffisamment traités de l’histoire mexicaine. Si le genre du roman néo-policier a connu une grande fortune, si Paco Ignacio Taibo II a marqué toute une jeune génération d’écrivains de romans noirs, certaines formes actuelles de récits du crime, on l’a vu mais on y reviendra à nouveau, s’écartent des codes du genre pour mettre en scène l’impunité.
Tous les romans le roman : du Mexique, du monde et de l’hospitalité
Les jeunes promesses des années quatre-vingt-dix, parmi les romanciers nés dans les années cinquante, proposent alors des romans en apparence réalistes, paraboliques de fait. Ainsi de Juan Villoro qui, dans El disparo de argón (1991), chronique de la vie d’un quartier de la capitale et d’une clinique ophtalmologique, crée une sorte de double miniature du pays tout entier, en proie à un climat de corruption et de crise, racheté par la seule clairvoyance éventuelle d’un narrateur désenchanté. En 2004, son roman El testigo remporte le Prix Herralde, explorant, depuis un univers ultra-contemporain où la cupidité médiatique commerce avec un épisode tragique de l’histoire nationale tel que la guerre cristera, les mythes littéraires et les violentes réalités de la culture et de l’histoire mexicaines. En une ironique archéologie de la mexicanité, le témoin du roman, Julio Valdivieso, se voit engagé dans un voyage de retour initiatique qui le ramène à l’une de ses origines, régionale, liée au poète Ramón López Velarde, et traverse, pour les accepter, ses identités jusqu’alors voilées. Carmen Boullosa, romancière et également poète, publie des fables fantasques qui, tantôt explorent le rapport au passé préhispanique comme dans Llanto. Novelas imposibles (1992), fiction du Cinquième Centenaire ou l’improbable rencontre au Parque Hundido entre un empereur aztèque et des jeunes femmes contemporaines ; tantôt s’intéressent, comme La milagrosa (1993), aux cultes et aux croyances hétérodoxes dans les périphéries de la capitale contemporaine. Elle entreprend également l’écriture de romans d’aventures historiques, tels que le baroque Duerme, aventures d’une jeune femme travestie en homme, entre indiens et créoles, dans le monde colonial, ou encore le magnifique Son vacas, somos puercos (1991), qui recrée l’univers libre et violent des pirates de l’île de la Tortue. À la fin de la décennie, en 1999, la romancière fait paraître Treinta años, sorte d’adieu ironique au boom de trente ans auparavant, chronique familiale dans un Tabasco qui évoque la région caraïbe colombienne d’Eréndira y su abuela desalmada. De fait le travail de Carmen Boullosa accomplit un retour sur la tradition littéraire, revisitant les genres, depuis le roman d’aventures jusqu’au théâtre baroque, dans des œuvres parodiques et métafictionnelles.
Après la publication en 1998 de l’ambitieux Cielos de la tierra, un roman dont les trois niveaux de lecture correspondent à trois époques et à trois mondes mexicains, dont le troisième est situé dans un avenir post-apocalyptique où le langage aurait presque disparu, elle poursuit son entreprise dans les années deux mille avec de nouveaux romans d’aventures historiques tels que La otra mano de Lepanto (2005), qui parodie le genre picaresque.
En disciple de Borges, Álvaro Uribe publie en 1995 La lotería de San Jorge, roman mentionné plus haut, dont les chapitres peuvent être lus comme autant de nouvelles. Cette parabole désenchantée situe dans un pays imaginaire les luttes de guérilleros, leur prise du pouvoir et leurs rivalités intestines, évoquant avec une mélancolique ironie la geste sandiniste au Nicaragua. La grande précision du style d’Álvaro Uribe, parfois lapidaire, le promettait au succès qu’il devait connaître dans les années deux mille avec El taller del tiempo (2003) et surtout Expediente del atentado (2010), romans à l’architecture complexe, qui interrogent à nouveau la nature du pouvoir et dont le deuxième se livre à une véritable enquête sur l’attentat manqué en 1897 contre le président dictateur Porfirio Díaz.
On l’a vu, derrière ces écrivains aux prises avec les entreprises titanesques du boom dans le genre du roman, se bousculaient déjà dans les coulisses de la scène littéraire, d’autres, plus jeunes, nés dans les années soixante. Après leur apparition publique en 1996, contemporaine de la publication-manifeste au Chili d’une anthologie de dix-sept nouvelles hispano-américaines éloquemment intitulée McOndo pour marquer le rejet d’un réalisme magique érigé à l’étranger en marque de la littérature latino-américaine, les écrivains du Crack connaîtront des fortunes internationales diverses. En 1999, à la fin de la décennie, le roman de Jorge Volpi En busca de Klingsor remporte le Prix Biblioteca Breve en Espagne, et la renommée internationale de l’auteur se voit dès lors assurée ; Ignacio Padilla obtient pour sa part le Prix Primavera pour son roman Amphytrion en 2000, dont le style très soigné et le récit énigmatique, à la construction ludique, mettent en relief la montée du nazisme. Le geste remarquable de ces deux écrivains revient à entreprendre une lecture de l’histoire européenne la plus marquée d’horreur durant le XXe siècle, celle du nazisme en Allemagne et en Autriche. Le thriller scientifique de Jorge Volpi, dont le narrateur est un mathématicien menteur qui égare le lecteur, met en scène le rapport entre la science — la physique nucléaire — et le pouvoir — le Troisième Reich — avec une efficace habileté satirique au sein d’une impeccable composition. Le cauchemar de l’histoire partage là avec la physique quantique le principe d’incertitude, et la probabilité du retour de l’horreur se dessine en filigrane dans un récit par ailleurs ludique. Mais ce qui s’affirme dans ce roman, c’est que l’histoire contemporaine est mondiale, tout autant que le fut la guerre, et qu’elle est donc aussi mexicaine. En busca de Klingsor, premier titre d’une trilogie de l’histoire contemporaine, sera suivi du très satirique El fin de la locura (2003). Ce deuxième titre met en miroir la pensée 68 française et les intellectuels de gauche mexicains entre 1968 et 1989, dans un étourdissant exercice de pastiches d’écrits de Lacan, d’Althusser, de Barthes et de Foucault, posant la question non pas de la seule inanité de l’imitation et de l’appropriation de textes théoriques, mais surtout de la distance qui sépare la théorie de la pratique politique. No será la tierra (2006), troisième titre de la trilogie, offre un état des lieux international de l’après-guerre froide depuis 1989. L’un des romans récents de Jorge Volpi, Memorial del engaño (2014), s’inscrit dans la continuité des stratégies de fiction auxquelles a recours le romancier. Le récit des aventureuses péripéties de la spéculation financière internationale dans les années 2000 s’y double donc d’un récit d’enquête et d’espionnage qui crée une filiation entre le vœu, tôt dévoyé, d’une régulation économique sous contrôle des Etats pour une juste distribution de capitaux aux nations de l’après-guerre et la vertigineuse activité financière globale favorisée par le néo-libéralisme. Renvoyées dos à dos la régulation économique et le libéralisme, l’économie planifiée communiste et la doctrine néo-libérale capitaliste, il ne reste que la victoire des faussaires et filous d’envergure tels le narrateur, ce J. Volpi auquel l’auteur donne, presque, son nom.
Souvent associée alors — de façon erronée — aux écrivains du Crack du fait qu’elle avait été promue à leurs côtés par Carlos Fuentes, Cristina Rivera Garza, poète et romancière, développe une œuvre originale et expérimentale depuis Nadie me verá llorar (1999), roman qui réexamine, dans une perspective foucaldienne et féministe, la société et les mentalités de l’époque révolutionnaire. L’histoire, la grande, apparaît d’autant mieux qu’elle est filtrée par le sort d’une femme qui en est comme expulsée, internée dans l’asile psychiatrique de La Castañeda après avoir travaillé dans un lupanar de la période du Porfiriat, autre lieu d’enfermement des femmes. L’œuvre de fiction de Cristina Rivera Garza accueille la réflexion théorique et l’écriture critique en une entreprise de déconstruction des conventions romanesques qui se voient bouleversées et réélaborées autour de figures d’écrivaines telles que la Mexicaine Ámparo Dávila, dans La Cresta de Ilión (2002), ou l’Argentine Alejandra Pizarnik, dans La muerte me da (2007).
Également romancière, Ana García Bergua travaille dans un autre registre. Scénographe de formation, elle introduit d’abord dans ses romans les ressorts du théâtre, réussissant une comédie de faux semblants dans Púrpura (1999), ou une désopilante histoire de fantôme installé dans un lustre récemment électrifié dans Rosas negras (2004), dont la comédie de mœurs est située au début du XXe siècle dans le nord du Mexique. Isla de bobos (2008), roman historique polyphonique et fragmentaire fort salué par la critique, reprend un épisode et un lieu oublié de l’histoire et de la géographie mexicaine : l’île de Clipperton durant l’époque porfirienne et la révolution. Si les faits sont tragiques, car une garnison de soldats avec femmes et enfants s’y voient abandonnés à leur sort durant la révolution, la subtile sensibilité de l’auteure interroge la possibilité de leur récit en les dépouillant de toute truculence. Ana García Bergua partage avec la Cristina Rivera Garza de Nadie me verá llorar la volonté de réécrire les pans négligés, comme restés en souffrance, de l’histoire mexicaine, qui se déroulent dans d’emblématiques lieux de confinement.
Un peu plus âgé que les écrivains du Crack, Enrique Serna développe dans les années quatre-vingt-dix, un art de la satire désopilante et grinçante sur la société mexicaine dans les romans Uno soñaba que era rey (1991) et El miedo a los animales (1995) ainsi que dans le recueil de nouvelles Amores de segunda mano (1991) ; il fait preuve d’érudition et de ténacité satirique dans le roman historique El seductor de la patria (1999), qui déploie la figure de Santa Anna, vue dans sa grandeur et son grotesque. Guillermo Fadanelli, qui commence à publier à la fin des années quatre-vingt-dix, s’illustre pour sa part dans ce que l’on a appelé, à son corps défendant, le « réalisme sale » avec Lodo (2002), roman sadien et nabokovien où un personnage de philosophe bouffon à velléités cyniques prend à rebours les fausses morales d’une société mexicaine en déliquescence. Educar a los topos (2006) met en fiction avec une pessimiste ironie la formation de l’auteur dans un collège militaire ; Hotel DF (2010) concentre dans l’Hôtel Isabel, sis dans le centre de Mexico, les violences, corruption, incongruités de la capitale mexicaine et du pays tout entier à l’heure, contemporaine de l’écriture du roman, des enlèvements, du narcotrafic et de l’affaiblissement des institutions de l’Etat.
Álvaro Enrigue, déjà mentionné plus haut, commence également à publier dans les années quatre-vingt-dix. Avec Vidas perpendiculares (2008), il réussit un tour de force, faisant de l’histoire quelque peu grotesque d’un jeune provincial le condensé de toutes ses identités transhistoriques, perpendiculaires à sa mexicanité, depuis l’empire romain jusqu’au présent en passant par un Naples quevedien. Muerte súbita (2013) confirme avec éclat l’habileté et l’ambition romanesques de l’auteur, capable de reprendre ironiquement l’ensemble de la tradition littéraire et de l’histoire de la modernité au sein d’une intrigue dont l’épisode premier oppose Quevedo au Caravage lors d’une partie de tennis qu’ils disputent en 1599.
Écrivain de la capitale, encore, Mario González Suárez développe l’art de la nouvelle inquiétante et ésotérique dans El libro de las pasiones (1997) ou propose de pseudo-autobiographies fantasmatiques dans De la infancia (1998) et le plus récent Faustina (2014), qui mêle la présence mythique de forces précolombiennes à une histoire familiale contemporaine dans une langue à l’oralité urbaine extrêmement travaillée.
Au cours des années quatre-vingt-dix, certains écrivains du nord du Mexique ou qui situent leurs intrigues dans des états proches de la frontière nord, commencent à déplacer le centre de gravité géographique et culturel du pays : de Mexico vers Monterrey, tel Eduardo Antonio Parra, excellent nouvelliste dans Los límites de la noche, suite d’aventures nocturnes et sinistres en ville ou sur la frontière même ; vers le Coahuila, comme Daniel Sada qui, féru de métrique populaire et savante, réussit de parfaits romans brefs et ironiques comme Una de dos (1994), ou met en scène l’odyssée barbare et burlesque de cadavres à la suite de fraudes électorales dans Porque parece mentira la verdad nunca se sabe (1998), aventure verbale s’il en est, que saluent les critiques littéraires les plus exigeants. David Toscana, quant à lui, recrée l’histoire de la fondation manquée d’une capitale du Nuevo León à Tula au XIXe siècle dans Estación Tula (1995), qui parodie le roman de mœurs. Dans El último lector (2002), fable drolatique sur les relations de la littérature au réel, le bibliothécaire d’un village du désert réinterprète la réalité d’un crime à partir des trames de ses livres, tout en s’arrogeant le droit de punir les œuvres qu’il juge de mauvaise qualité en les jetant dans un placard infesté de cafards. Elmer Mendoza, du Sinaloa, à l’œuvre plus inscrite dans le genre du roman noir, crée une trame en doublure de l’assassinat de Luis Donaldo Colosio dans Un asesino solitario (1999), dont le narrateur est un pícaro tueur à gages. Suivront des romans qui l’on fait connaître comme l’auteur le plus représentatif de la littérature dite du narcotrafic.
On l’aura compris, l’appellation « Littérature du Nord » a regroupé, parfois à leur corps défendant, des écrivains aux paris esthétiques et génériques fort divers, dont certains, comme David Toscana ou Cristina Rivera Garza dans La cresta de Ilión (2002), se plaisent à déréaliser le réel en une critique du réalisme régionaliste tout en écrivant des versions métalittéraires de l’histoire insuffisamment contée de ces régions. La « Littérature de la frontière » tend, par ailleurs, à se confondre avec celle dite « du Nord », même si l’on peut distinguer quelques écrivains dont l’œuvre s’attache plus spécifiquement à l’exploration de l’univers frontalier, comme le nouvelliste et romancier Luis Humberto Crosthwaite ou l’essayiste et romancier Heriberto Yépez, tous deux habitants de Tijuana, ou encore Gabriel Trujillo Muñoz, de Mexicali, auteur d’une série de romans noirs.
Conclusion
Revenons donc, pour conclure, à la constellation d’œuvres littéraires qui récemment, empruntent certains traits au roman noir et parviennent à les transcender pour tourner à un récit du crime que l’on peut aussi nommer récit de l’impunité. Il se trouve là un véritable champ d’expérimentation littéraire face à l’actuel, au réel, du crime, qui n’est d’ailleurs pas toujours dans ces fictions celui de l’actualité sociale et politique mexicaine. Ainsi le surréel onirique pop vient se mêler à des intrigues d’enquêtes menées dans un code réaliste dans Los minutos negros (2007) de Martín Solares ; un pícaro livre la doublure fictive de faits politiques réels dans Un asesino solitario d’Elmer Mendoza, un autre assure le récit de ses péripéties de narcotrafiquant dans A wuevo padrino (2008) de Mario González Suárez ; le genre de la comptine met en relief l’atrocité de crimes dans Oscuro bosque oscuro (2009) de Jorge Volpi ou dans «Sembrado » (2003), nouvelle de Francisco Hinojosa ; l’écriture rythmique voire métrée de Daniel Sada souligne ironiquement la banalité du crime ; le genre de la chronique touche au thrène sur les mortes de Ciudad Juárez dans Huesos en el desierto de Sergio González Rodríguez ; la fragmentation narrative met en pièces le délire d’un assassin présumé et corrobore la construction de son identité par la police dans A.B.U.R.T.O d’Heriberto Yépez (2005) ; l’ironie métafictionnelle bouleverse les traits traditionnels du roman noir dans La muerte me da de Cristina Rivera Garza ; le souvenir de la fable médiévale sert une réflexion sur le pouvoir, l’art et le crime dans Trabajos del reino (2004) de Yuri Herrera, l’une des plus stylisées parmi les œuvres traitant du narcotrafic.
La littérature mexicaine au tournant des XXe et XXIe siècles est extrêmement vivace voire pugnace, on l’a vu, diverse et riche, ouverte sur les complexités du monde contemporain et sur les audaces formelles de la littérature contemporaine bien au-delà des frontières nationales. Symptomatiquement, Christopher Domínguez Michael inclut dans son Diccionario crítico de la literatura mexicana, des entrées correspondant à Gabriel García Márquez, Augusto Monterroso, Álvaro Mutis, Roberto Bolaño, autant d’auteurs latino-américains, certes, et qui ont vécu au Mexique mais la question : « qu’est-ce qu’un roman mexicain ? » se voit indubitablement posée. Telles sont les lois de l’hospitalité.
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América, n° 44, « Figures et figurations du crime dans les mondes hispanophones » 2e volet, (F. Aubès et F. Olivier éd.), Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2014.
NOTES
[1] Cette bibliographie ne comprend ni les articles des nombreux spécialistes de la question ni ceux que j’ai publiés sur certaines des œuvres mentionnées.
L'auteur
Florence Olivier est Professeure émérite de littérature comparée à l’université Sorbonne Nouvelle. Spécialiste de littérature latino-américaine, elle est aussi traductrice. Elle est l’auteur de Carlos Fuentes ou l’imagination de l’autre, Aden (2009), dont la version en espagnol, Carlos Fuentes o la imaginación del otro, a été publiée par l’Editorial de la Universidad Veracruzana (2007), ainsi que de Sous le roman, la poésie. Le défi de Roberto Bolaño, Hermann (2016)/ Poesía + novela = poesía. La apuesta de Roberto Bolaño, Editorial de la Universidad Veracruzana (2015). Membre du Centre de Recherches et d’Études Comparatistes de la Sorbonne Nouvelle, elle est membre associé du CRIAL / CRICCAL de la même université, dont elle codirige la revue América. Parmi les derniers volumes qu’elle a dirigés : La littérature latino-américaine au seuil du XXIe siècle. Un parnasse en éclats, Aden Londres (2013) ; Du roman noir aux fictions de l’impunité, Paris, Indigo (2014) ; Les lettres de relation de Carlos Fuentes, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle (2018). Elle a traduit des romans et des nouvelles de Diamela Eltit, José Revueltas, Nellie Campobello, Guillermo Samperio, Alain-Paul Mallard, Margo Glantz, Rogelio Guedea, Pablo Montoya.